Fiche - Jurisprudence CMR

Numéro de la fiche : 42837

Pays : France

Thèmes : CMR (Transport routier international) Compétence (art. 31) Clause d'arbitrage (art. 33)

CMR (Transport routier international) Compétence (art. 31) Lieu de la prise en charge (art. 31§1-b)

Date de la décision : 29/06/2022

Objet :
Transport routier international France / Espagne de vodka – Expéditeur Suisse - Commissionnaire principal français - Sous commissionnaire espagnol – Transporteur espagnol – Stationnement en bordure du site du lieu d'entreposage – Vol de marchandises durant l’absence du chauffeur – Action en indemnisation des commissionnaires de transport contre le transporteur devant le tribunal de commerce de Nîmes – Compétence territoriale – Article 31 de la CMR – Article 33 de ma CMR - Clause compromissoire valable (non)
2) Assurance - Recevabilité de l’action des assureurs du commissionnaire – Subrogation – Paiement de l’indemnité par un seul assureur– Irrecevabilité de l’autre

Sommaire :
1) La convention CMR, d'ordre public, dispose à l’article 31 que le demandeur peut saisir les juridictions du pays sur le territoire duquel a eu lieu la prise en charge de la marchandise, en l’occurrence Beaucaire, relevant de la compétence territoriale de Nîmes. Le tribunal de commerce de Nîmes a ainsi valablement retenu sa compétence.
La clause compromissoire figurant dans la lettre de voiture signée par l'expéditeur et le transporteur indique que les parties se soumettent pour la solution d'un quelconque litige relatif à l'interprétation et l'exécution du contrat de transport à l'assemblée arbitrale de transports terrestres de Madrid (Espagne). Cependant, l'article 33 de la CMR prévoit que la clause attribuant compétence à un tribunal arbitral n'est valable que si la clause mentionne que le tribunal arbitral doit appliquer la convention CMR. Tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que la juridiction étatique qu'est le tribunal de commerce de Nîmes est compétente pour statuer sur les demandes des parties.

2) Malgré l’acte de subrogation délivré aux deux assureurs des commissionnaires, seul celui qui a effectué le paiement est recevable à agir contre le transporteur.

Référence :
Cour d'appel de Nîmes
29 Juin 2022
Répertoire Général : 20/01732
Sté Dupessey Iberica et a. / Transportes Internacionales y Nationales Isotermos Flores

IDIT n°25324
Bulletin des Transports et de la Logistique - N° 3890 - 1er août 2022 p.475

Observation :
Pour écarter une clause compromissoire, les juges français doivent justifier de son caractère manifestement nul ou inapplicable (CPC art. 1448, al. 1, pour l'arbitrage interne et art. 1506, 1°, pour l'arbitrage international), faute de quoi, ils n’ont pas le pouvoir se statuer sur l’efficacité de la convention d’arbitrage qui ressort du pouvoir des arbitres. Or, à notre sens, ce type de clause n'est ni nulle ni inapplicable. En effet, une telle interprétation de l'article 31 revient à considérer que la stipulation de l'application de la CMR dans une clause d'arbitrage est une condition de validité de la clause, ce que nous contestons. Une telle interprétation procède d'un mélange entre choix du juge et choix de la loi. A notre avis, seule la sentence pourrait être annulée dans l'hypothèse où le tribunal arbitral n'aurait pas appliqué la CMR, qui est certes une convention obligatoire.
Voir dans le même sens, et la note critique: CA Aix, 2e ch., 2 septembre 2004, Cie Cigna et autres c/ Sté Daher et autres, B.T.L. n°3049 du 20/09/2004, p.614 ; Chron. de droit des transports, JCP E 2005,I, 360, p.1930, obs. C. Legros : Inefficacité de la convention d’arbitrage stipulée dans un contrat de transport international routier de marchandises soumis à la C.M.R.
Par ailleurs, on peut se demander si la clause en question était une véritable clause d'arbitrage ou une clause attributive de juridiction. En effet, elle donnait compétence à "l'assemblée arbitrale de transports terrestres de Madrid (Espagne) conformément aux termes de la loi 15/1987 d'orientation des transports terrestres (LOTT) et de ses normes d'application". En effet il existe en Espagne des commissions arbitrales de transport réglementées par LOTT et la loi sur l’arbitrage de 2003 réformée en 2011, qui sont compétentes pour tout litige relatif à un transport de marchandises par route d'un montant inférieur à quinze mille euros, sur la base d'un accord tacite des parties ( Voir Jon Burgaña Agoues María Zabal Pérez , Consolidation européenne du secteur du transport : Points de convergence et distorsions produites à l’occasion du transport transfrontalier franco-espagnol de marchandises par route., p. 45. https://www.irunhondarribiahendaye.com/images/sobre-consorcio/docs/estudio-transporte-fr.pdf). Ces commissions fonctionnent certes comme des tribunaux arbitraux, mais selon nous il s'agit plutôt de juridictions d'exception, qui appliquent toutefois la CMR.
Si une telle clause devait être qualifiée de clause attributive de juridiction, elle n'encourrait pas l'annulation aux termes de l'article 31 de la CMR.

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